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L'actualité du droit public et des collectivités territoriales

Produits financiers souscrits par les collectivités locales : une banque condamnée pour manquements à son obligation d'information et de conseil

14 Février 2014

La Royal Bank of Scotland (RBS) a été condamnée par le TGI de Paris le 28 janvier 2014 à verser des dommages-intérêts à la Communauté Urbaine Lille Métropole pour manquement à son obligation d’information et de conseil dans la conclusion de contrats de swap.

Les contrats à objet financier tels que les contrats d’emprunts, de garantie d’emprunts ou de swap sont des contrats qui, même conclus par une personne morale de droit public, présentent en principe un caractère de droit privé[1].

Leur contentieux ressortit donc de la compétence du juge judiciaire, en l’occurrence le TGI de Paris.

La Communauté urbaine avait souscrit un contrat de swap dans le but de couvrir les risques de taux des emprunts qu’elle avait contractés. La RBS, qui était dans le cadre de cette souscription prestataire de service d’investissement, a été reconnu par le TGI débiteur d’une obligation d’information et de conseil.

En effet, la jurisprudence fait peser sur ces prestataires un devoir d’évaluation de la situation financière du client, de son expérience en matière d’investissement et de ses objectifs concernant les services demandés ainsi que le devoir de délivrer à son client une information adaptée en fonction de cette évaluation »[2].

En l’espèce, les manquements caractérisés par le TGI résultent de :

  • au titre de l’obligation d’information, l’absence de communication par la banque de la valorisation des swaps à la date de leur conclusion, élément considéré par le TGI comme important et pertinent.
  • Au titre de l’obligation de conseil, l’absence d’indication de l’intérêt pour Lille Métropole de l’ajout d’une indexation risquée à un contrat de couverture de taux déjà existant entre les parties.

La Communauté urbaine avait également invoqué un moyen relatif à la méconnaissance de sa propre compétence, notamment la méconnaissance par les contrats de swap litigieux des termes de la délibération autorisant leur conclusion.

En l’absence de délégation régulièrement consenti à l’exécutif[3], la conclusion d’un tel contrat par une collectivité locale nécessite en effet une autorisation de l’organe délibérant qui doit se prononcer sur les éléments essentiels du contrat[4].

S’agissant de contrats de droit privé, la signature d’un contrat en méconnaissance de l’autorisation de l’assemblée délibérante ou en l’absence d’autorisation est sanctionnée par la nullité absolue, qui peut donc être invoquée par tous, y compris les parties au contrat, sans possibilité de régularisation[5].

Au regard de la jurisprudence Béziers I, un contrat administratif conclu dans les mêmes conditions encourent également la nullité, s’agissant d’une illégalité grave ayant trait aux modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement[6].Toutefois, peuvent subsister des possibilités de régularisation[7].

C’est dans cette brèche que la Communauté urbaine a voulu s’engouffrer, mais le TGI a considéré qu’en l’espèce, la conclusion des contrats de swap l’avait été conformément aux termes de l’autorisation.

Ce jugement s’inscrit dans une vague plus large de contentieux relatifs aux "emprunts toxiques" des collectivités. Le TGI de Nanterre avait, en 2013, annulé les taux d’intérêts de prêts consentis au département de la Seine-Saint-Denis, au motif que le taux effectif global n’était pas mentionné. L’Etat avait alors été conduit à insérer dans la loi de finances pour 2014 des dispositions validant le défaut de mention du taux effectif global (TEG) dans les prêts aux personnes morales, dispositions censurées par le Conseil Constitutionnel[8].

[1] TC 26 novembre 1990, Caisse régionale du crédit agricole mutuel du Finistère, n° 02631

[2] Cass. Com. 10 janvier 2012, N° 10-28.800

[3] Voir par exemple pour les maires, L. 2122-22, 3° du Code général des collectivités territoriales)

[4] CE 15 juin 1994, Commune de Longueau, n° 137690 ; CE 28 octobre 2002, Commune de Moisselles, n° 232060 ;CE 7 avril 2004, Département de la Gironde, n° 255331).

[5] Cass Civ. 1ère 16 janvier 2013, n°11-27837

[6] Voir, par analogie, CE 4 juillet 2012, Communauté d’agglomération de Chartres Métropole, n° 352417, à propos des conséquences de l’annulation de l’autorisation sur le contrat).

[7] CE 8 juin 2011, Commune de Divonne-les-Bains, n° 327515 ; Pour le rapporteur public dans l’arrêt précité, la régularisation peut jouer en l’absence de délibération préalable de l’organe délibérant (Conclusions de M. Bertrand Dacosta). Toutefois, dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 juillet 2012, (Communauté d’agglomération de Chartres Métropole, n° 352417), le rapporteur public pointe le caractère d’ordre public de la compétence et admet que la régularisation de l’incompétence peut être un « vice relativement grave » et « occupe une place à part » (Conclusions publiées au BJCP n°85 Novembre-Décembre 2012, p.430). Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcée sur cette question.

[8] Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014

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